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Un syndicat qui orchestre un incendie de pneus devant une entreprise doit réparer les dommages causés

Un syndicat peut être condamné à verser des dommages et intérêts à l’employeur lorsqu’il incite les salariés à commettre des actes illicites, en application des règles de responsabilité civile (c. civ. art. 1240, anciennement 1382).

Ce principe a notamment trouvé à s’illustrer dans des affaires de grève illicite, le syndicat appelant le personnel à ne pas exécuter certaines tâches plutôt qu’à réellement cesser le travail (cass. soc. 21 octobre 2009, n° 08-14490, BC V n° 225 ; cass. soc. 11 juillet 2016, n° 14-14226, BC V n° 150) ou poussant les grévistes à bloquer l’accès au lieu de travail (cass. soc. 30 janvier 1991, n° 89-17332, BC V n° 40).

En tout état de cause, la responsabilité du syndicat ne peut être engagée que s’il a provoqué les actes illicites ou y a activement participé. Avoir simplement accompagné le mouvement ne suffit pas (cass. soc. 17 juillet 1990, n° 87-20055, BC V n° 375 ; cass. soc. 29 janvier 2003, n° 00-22290 D).

L’affaire qui donne aujourd’hui lieu à un arrêt en chambre mixte est dans la droite ligne de cette jurisprudence. Elle concerne un syndicat d’exploitants agricoles, mais ses enseignements sont à notre sens parfaitement transposables aux actions d’un syndicat de salariés ou d’une organisation patronale.

L’organisation en question avait incité des agriculteurs à déposer des pneumatiques devant le siège d’une société laitière, puis à les incendier. L’enceinte de l’établissement avait subi d’importants dégâts et l’employeur avait obtenu la condamnation solidaire du syndicat et de son président à réparer le préjudice subi.

La Cour de cassation approuve la décision de la cour d’appel, dans la mesure où le président du syndicat avait pris en charge l’organisation logistique des opérations, donné des instructions pour « garer et ranger les pneus » devant la société laitière et assisté lui-même au déclenchement de l’incendie. Il s’était donc fortement impliqué dans les actes illicites, de sorte que sa responsabilité était engagée.

Au plan strictement juridique, l’intérêt de la décision réside dans les arguments invoqués par le syndicat pour échapper à sa responsabilité.

Celui-ci soutenait en effet que son action relevait de la « provocation à commettre des crimes ou des délits », au sens de l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, de sorte qu’il ne pouvait être condamné que sur le fondement du droit de la presse, pas sur celui de la responsabilité civile (cass. ass. plén. 12 juillet 2000, nos 98-10160 et 98-11155, B. ass. plén. n° 8).

Or, pour la Cour de cassation, s’il y avait « complicité par provocation », ce n’était pas au sens du droit de la presse, mais au sens du droit commun (c. pénal art. 121-7). La responsabilité civile était dès lors pleinement applicable (c. civ. art. 1240). Pour la petite histoire, on notera que le syndicat avait été condamné à indemniser l'entreprise à hauteur de plus de 68 000 € (+ intérêts).

Ajoutons que la diversité des thèmes abordés (responsabilité civile, droit de la presse, droit pénal) explique pourquoi la décision a été rendue par une chambre mixte de la Cour de cassation. C’est aussi la raison pour laquelle cet arrêt a été publié sur internet : les décisions rendues en chambre mixte sont en général largement diffusées.

Cass., ch. mixte, 30 novembre 2018, n° 17-16047 PBRI https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambres_mixtes_2740/286_30_40688.html

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