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Une société en formation à l'abri des actes déloyaux commis par son dirigeant

Une société ne peut pas être responsable des actes de concurrence déloyale commis par son dirigeant, ancien salarié d'une entreprise concurrente, si au moment des agissements fautifs, elle n'était pas encore immatriculée.

Un détournement de documents commerciaux par un ancien salarié

Un salarié est licencié de son entreprise le 26 septembre 2014. Près d'un mois et demi plus tard, il constitue une SAS du même secteur d'activité dont il devient le dirigeant.

Son ancien employeur s'aperçoit qu'il a détourné des documents commerciaux en les transférant, le 16 septembre 2014, de sa boîte mail professionnelle vers sa boîte mail personnelle. Il assigne alors la SAS nouvellement créée pour concurrence déloyale.

Une condamnation de la société nouvelle remise en cause

Le détournement des données suffit à condamner la société nouvelle selon la cour d'appel. - Devant la cour d'appel, les juges relèvent que les informations détournées sont techniques, d'une importance manifeste et destinées à servir les intérêts personnels de l'ancien salarié en vue de la création d'une autre structure. Selon eux, ces éléments sont suffisants pour engager la responsabilité de la SAS. Peu importe que celle-ci ait, ou non, utilisé les données détournées.

Par conséquent, la SAS est condamnée à verser à la société concurrente une indemnité de 15 000 € pour trouble commercial.

Censure de la Cour de cassation : une détention par la société des données détournées est nécessaire. - Saisie par la SAS, la Cour de cassation rappelle que l'appropriation ou la détention d'informations confidentielles appartenant à une société concurrente et obtenues par un ancien salarié de celle-ci, pendant l'exécution de son contrat de travail, constitue un acte de concurrence déloyale (voir aussi : cass. com. 1er juin 2022, n° 21-11921 et cass. com. 7 décembre 2022, n° 21-19680).

Cependant, la Cour estime que les juges d'appel auraient dû rechercher si la SAS s'était appropriée ou avait détenu les informations détournées. Cette recherche n'ayant pas été faite, l'arrêt d'appel est cassé.

Une société en formation sans responsabilité

La société soutient qu'elle était en cours de formation au moment des faits. - Dans un autre moyen de son pourvoi, la SAS faisait grief aux juges d’appel d’avoir retenu que les actes reprochés à une société s'appréciaient en considération de ceux de leur dirigeant.

Pour la SAS, c’était oublier qu’elle n’était pas encore immatriculée au registre du commerce et des sociétés lors des détournements.

La Cour de cassation valide son raisonnement. - Là encore, la décision des juges d'appel a été censurée.

En effet, les sociétés commerciales ne jouissent de la personnalité morale qu’à compter de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés (c. com. art. L. 210-6, al. 1).

La Cour de cassation a effectivement constaté, qu'à la date des faits, la SAS n'était ni constituée ni immatriculée de sorte que les agissements fautifs de l'ancien salarié, qui n'était pas encore dirigeant, ne pouvait pas engager sa responsabilité.

En pratique, les personnes qui ont agi au nom de la société en formation avant son immatriculation sont seuls responsables des actes ainsi accomplis. Une fois immatriculée, la société peut néanmoins reprendre les engagements souscrits par les associés fondateurs, mais c’est un tout autre sujet qui ne peut pas concerner un détournement de documents commerciaux.

Pour aller plus loin :

« Négociations commerciales », RF 2021-1, § 273

« Mémento de la SAS et de la SASU », RF Web 2023-2, §§ 120 et 127

« Mémento de la SARL et de l'EURL », RF Web 2022-2, §§ 142 et 149

« Mémento de la SA non cotée », RF Web 2021-5, §§ 153 et 162

Cass. com. 17 mai 2023, n° 22-16031